La batterie est née au début du vingtième siècle dans le sud des états unis
La batterie est un hybride d’instruments du monde entier, issus de cultures qui se rassemblaient dans des villes portuaires comme la Nouvelle-Orléans. Dans les armées européennes, la caisse claire et la grosse caisse étaient autrefois portées en bandoulière, les peaux de tambour tendues par des cordes, et cette tradition a été reprise par les armées américaines. Les immigrants chinois sont arrivés aux États-Unis parce qu’ils ont été embauchés ou forcés à travailler, et ils ont apporté avec eux leurs propres traditions théâtrales séculaires, soulignées par des tam-tams peints en couleur qui produisaient un beau son plein, distinct de celui des caisses claires ou des grosses caisses. Les cymbales ont évolué à partir de citernes en bronze fabriquées dans des endroits comme la Turquie et la Chine ; elles ont ensuite été martelées dans des formes plus plates et fournies aux pays d’Europe pour les opéras et la musique militaire, devenant si populaires aux États-Unis que Zildjian, la société turque d’origine des cymbales, a fini par s’installer dans le Massachusetts.
Dans le laboratoire de chimie musicale de la Nouvelle-Orléans au début des années 1900, les percussionnistes étaient en demande d’une variété toujours plus grande de sons, mais l’espace sur la scène était limité pour accueillir ces instruments et le budget était insuffisant pour payer tous ces musiciens. Les chefs d’orchestre devaient maximiser ce qu’ils pouvaient tirer de la section des percussions.
Les tambours faisaient autrefois partie de la bande sonore des minstrel shows qui, comme les spectacles de vaudeville qui ont suivi, devaient fournir non seulement le rythme, mais aussi les effets sonores, l’atmosphère et la ponctuation des blagues. Les instruments devaient être portables afin que les interprètes puissent s’adapter aux différentes scènes de ces spectacles itinérants.
La batterie s’est développée en même temps que le jazz, et ils se sont mutuellement aidés. La distillation des différents instruments rythmiques en une seule batterie jouée par une seule personne signifie que l’interprétation rythmique est désormais codifiée dans un seul corps humain. Pendant des siècles, les instruments de percussion de la musique classique ont été joués par différentes personnes et, peut-être en partie pour cette raison, le « groove » et la sensation n’ont jamais été primordiaux. Pour la première fois dans l’histoire, un corps humain était capable de créer à lui seul la pulsation, le contretemps, la syncope et la texture d’une partie de percussion. Les possibilités de grooves plus avancés, propulsifs et linéaires ont bouleversé le monde musical pour les décennies à venir.
Edward « Dee Dee » Chandler était un batteur vivant à la Nouvelle-Orléans au début du siècle. Il jouait de la musique dans deux mondes : les spectacles clandestins dans les bordels de Storyville et les concerts de la haute société dans des endroits comme l’hôtel Grunwald sur Canal Street. Il était métis et pouvait à peu près passer pour un blanc, mais lorsque le jugement Plessy contre Ferguson a été rendu, il comprenait des règles limitant la liberté de toute personne ayant ne serait-ce qu’une goutte de sang métis d’aller dans des endroits comme le Grunwald.
Mais une fois encore, c’est de la limitation que naît l’innovation. D’autres personnes avaient déjà fait une telle chose auparavant, mais Dee Dee Chandler était peut-être l’un des premiers batteurs à utiliser une pédale de fortune pour jouer de la grosse caisse avec son pied tout en jouant de la caisse claire avec ses mains. Avant cela, il fallait qu’un musicien différent joue de chaque instrument ou utiliser un style appelé « double drumming », qui consistait à jouer de la grosse caisse et de la caisse claire simultanément avec les deux mains et sans les pieds, ce qui limitait le type de rythmes que l’on pouvait exprimer sur la caisse claire. L’étrange engin qui permettait à Chandler de jouer de la grosse caisse avec son pied n’était pas lisse comme les pédales d’aujourd’hui et devait être un défi à relever. Mais il s’agissait d’un point dans l’évolution de la batterie en tant qu’instrument plus dynamique qui, en quelques décennies seulement, allait devenir la cheville ouvrière des ensembles de jazz, dont l’espièglerie rythmique a créé certaines des meilleures musiques du siècle. Et c’est la musique créée dans ces endroits plus pauvres, avec des publics innovant de nouveaux pas de danse comme le swing, qui a rendu la musique de jazz si vivante.
On sait très peu de choses sur Dee Dee Chandler. C’était un buveur. Il portait son chapeau d’une manière particulière. Il n’existe qu’une seule photo de lui, et c’est sur cette photo de 1896 que l’on peut voir, au coin du cadre, la pédale de sa grosse caisse. D’autres batteurs le considéraient comme l’un des meilleurs de son temps, un « excellent showman et comique », qui « jouait avec la grâce d’un jongleur professionnel ».1 Ses tambours étaient accordés d’une manière nettement tranchante qui « faisait sonner le roulement du tambour comme s’il déchirait un morceau de tissu ».
C’est à peu près tout ce que l’on sait sur l’un des ancêtres de la batterie. Il a indiqué le début d’une batterie de jazz telle que celle de Baby Dodds sur des albums comme Footnotes to Jazz, Vol. 1 : Baby Dodds Talking and Drum Solos et Jazz of the Forties, Vol. 1 : Jazz at Town Hall. Le jazz – ou « jass » comme on l’appelait à l’époque – n’était pas encore considéré comme une forme d’art culturellement pertinente que l’on s’intéresserait à étudier un siècle plus tard. Mais c’est là que toutes les formes d’art les plus pertinentes se développent, dans les coins, lorsque personne n’y prête attention. Ce temps d’inattention est important. Il mène à l’expérimentation et au jeu. Il est révélateur que l’un des rares témoignages sur le talent de Chandler en tant que batteur mentionne également ses capacités comiques. Ce n’est pas quelque chose que l’on s’attendrait à entendre dans la description d’un batteur, mais à l’époque où la musique racontait des histoires, faisait rire et danser, il était important que les musiciens soient polyvalents.
Texte original de Nick Jaina sur folkways
Quelques liens pour les batteurs:
Article pour savoir comment transporter une batterie
Le wikipedia de la batterie